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Albanie : relation amour / haine

Pershendetje Albania!

C’est avec joie que nous traversons la frontière albanaise! Il y a tellement de gens qui nous ont parlé de ce pays et surtout des gens qui y habitent. Ce qui est fascinant, c’est de voir une si grande différence en si peu de kilomètres. Premièrement, beaucoup plus de personnes en bicyclettes. Et pas des touristes. Le vélo semble être un moyen de transport assez répandu en Albanie. On nous explique qu’à l’époque où le pays était communiste, dans les années 1980, il était interdit d’avoir une voiture. Il y avait donc environ 800 voitures pour tout le pays. C’est pourquoi on retrouve beaucoup de bicyclettes de nos jours. Puis, automatiquement après avoir traversé la frontière, les gens commencent à nous saluer. Des fois, il y a une auto qui arrive face à nous, le conducteur klaxonne et on voit qu’il fait de gros signes de « bonjour ». Ce qui est fascinant également, c’est leur langue, le shqip. Les albanais disent que leur langue ne ressemble à aucune autre, qu’elle ne fait partie d’aucune famille de langue connue. Tout ce que je peux dire, c’est qu’elle ressemble en rien aux langues parlées dans ses pays limitrophes. Pour dire bonjour, on dit « pershendetje » contrairement à « dobar den » en ex-Yougoslavie par exemple.

Nid de poule albanais

Ceci étant dit, pour se sauver de la pluie du Monténégro, nous faisons une grosse journée de 120 km (notre record actuel). Nous arrêtons pour dîner sous un petit toit de restaurant abandonné pour se mettre à l’abri de la pluie. Il n’y a pas de chaise, mais ce n’est pas grave puisque nous avons une grosse journée de vélo. Un albanais, travaillant dans une genre de cour à « scrap » juste à côté, vient nous voir et commence à discuter avec nous. Il parle relativement bien anglais et nous demande ce qu’on fait ici. On lui dit qu’on fait juste manger et qu’on repart vers la capitale après. Il retourne à son travail et revient nous voir avec deux petits tabourets et une boîte de carton. Il nous donne les tabourets, déchire deux morceaux de cartons pour les déposer sur les tabourets. Il nous fait signe de nous asseoir, puis il retourne travailler. En quittant, nous lui ramenons les tabourets et on l’invite pour prendre un thé. À la fin, je lui demande combien je dois payer. Il me dit que c’est lui qui nous invite. J’essaye de lui expliquer que c’est nous qui l’invitons. Impossible. Il dit que c’est dans la culture de son pays d’inviter les étrangers. Wow! Ça ne fait même pas 4 heures qu’on est dans le pays! Nous repartons en direction de Tirana le vent dans le dos et nous arrivons en pleine forme en fin d’après-midi. Il n’y a pas énormément de chose à visiter à Tirana. Nous profitons d’un après-midi ensoleillé pour nettoyer nos vélos qui ont été inondés dans les derniers jours (éléments importants dans l’histoire). Après toute la pluie, il y avait du sable et de la terre un peu partout. Ça fait du bien de revoir un vélo propre qui ne fait pas de bruit!

Tirana
La plus belle partie de la route!

Après trois jours de visite, nous quittons Tirana sous un beau soleil. On se dit que ça fait longtemps que nous n’avons pas eu un beau soleil comme ça. Bientôt, ce sera l’heure des shorts! À une intersection, nous avons une décision à prendre. Sois on suit l’autoroute ou on emprunte une route de campagne. Soyons rationnel, les autos étaient interdits dans les années 80, pensez-vous vraiment que le pays investit beaucoup d’argent dans les routes? Malheureusement, en vélo, nous ne sommes pas rationnels. On se dit que la route de campagne sera belle et que nous irons dans l’arrière-pays tout souriant. Après une trentaine de kilomètres, l’asphalte disparaît pour laisser place à un sentier de roches. Pas de problème, on peut gérer ça facilement. Puis, plus on avance, plus la route (parce que c’est une route sur la carte) se dégrade. Le problème, c’est qu’il n’y a pas de route alternative. Il faudrait revenir vers Tirana et on ne sait jamais ce qu’on aura par la suite. Peut-être que la route est asphaltée dans quelques centaines de mètres. La suite se dégrade encore, on doit passer sur un pont douteux ou traverser une rivière. Rémi prend le pont et je traverse la rivière en mettant mes deux pieds au sec dans l’eau de la rivière qui est trop profonde. Puis, la cerise sur le sundae, on arrive à des côtes sorties tout droit de la lune. À partir de ce moment, pédaler n’est plus une option. On doit pousser. Pousser dans la boue!! De la boue se coince entre mon garde-boue et ma roue ce qui augmente la friction. Plus j’avance, plus c’est dure d’avancer. Les sacoches sont assez larges ce qui fait qu’on pousse le vélo tout croche. Avec le poids, le vélo s’enfonce dans la boue, mais les sacoches avant accrochent. Je regarde sur la carte, il reste 16 kilomètres avant d’arriver à une route plus importante. On décide de continuer, qu’on a trop fait pour revenir en arrière. La nuit commence à tomber, des nuages menaçants apparaissent. Si jamais il pleut, ce sera l’enfer. J’y réfléchis et c’est impossible de continuer s’il pleut. On sort les lumières parce qu’il fait trop noir. Le vélo dérape dans la boue. La friction est tellement élevée que le vélo ne recule plus lorsque j’arrête de pousser dans les côtes. Pour repartir, je dois pousser de toutes mes forces. On traverse des sections où l’on voit clairement des glissements de terrain. À regarder le chemin, il y en aura certainement d’autres. Par chance, ce ne sera pas lors de notre passage. 4h30 à pousser les vélos et à suer comme des cochons. On arrive au village près de la « grande » route. Les vélos sont tellement sales! On venait de les laver (en référence à la vieille…)!!

Beau paysage malgré la route

Première maison avec des lumières allumées, on cogne et on demande d’être hébergé. Sans hésiter, la dame, « Rudy », nous dit de rentrer, de nous mettre à l’aise. Sa belle-fille parle relativement bien anglais. Elle nous dit qu’il n’y a pas de problème, qu’on peut rester, prendre une douche, manger avec eux et dormir. Un peu plus tard, son mari, Moustafa, arrive. Une grosse poignée de main chaleureuse et il sort le rakjia (eau de vie à base de raisin). Et là il trinque à notre santé : « Gëzuar!! » (prononcer quelque chose comme gâzouweur). À chaque gorgée, on recommence « Gëzuar!! ». Je n’ai jamais autant trinqué de toute ma vie! Après une journée comme ça, c’est inestimable comme accueil.

Le lendemain, la roue arrière de mon vélo est fusionnée avec le garde boue. Elle ne tourne plus. Moustafa embarque les vélos dans son camion et nous amène dans un lave-auto, choses qu’ils ont bizarrement à tous les 300 mètres environ. Un jeune homme lave les bicyclettes au karcher et on retrouve des semblants de vélos propres. Moustafa refuse qu’on paye quoi que ce soit. On retourne à la maison et on quitte notre famille si accueillante. La météo de la journée n’est guère de notre bord. Il pleut une bonne partie de la journée. Le moral est à la baisse. Mes bas sont tous mouillés. Nous arrivons le soir et nous faisons signe à un monsieur, Yicef, qui est à l’extérieur de sa maison. Il vient nous voir, il ne parle pas anglais, mais on lui fait comprendre qu’on se cherche une place pour dormir. Il semble nous indiquer un endroit pour un hôtel. Puis, il dit « rakjia? ». Bon, il serait plus sage de se trouver une place pour dormir, mais qui sait sur quoi ça peut déboucher. On rentre et sa femme prend tous mes vêtements et me donne de nouveaux vêtements secs. Yicef appelle sa belle-fille qui habite à Londres. Je lui explique notre voyage et elle nous dit qu’il n’y a pas de problème pour dormir ici, qu’on peut prendre une douche, manger et s’installer comme si on était à la maison. On passe la soirée à discuter de nos familles, de notre travail, etc. Il ne faut pas oublier que l’homme ne parle pas anglais. La soirée ressemble donc à un gros jeu Cranium où la seule catégorie choisi est « sosimanie ». On ressort le rakjia et on répète « Gëzuar!! » une quinzaine de fois dans la soirée.

Petite pause sans pluie

Le lendemain, nous quittons notre famille si accueillante après un bon café accompagné d’un rakjia (pour ceux qui ne le savent pas, je n’aime pas le café et du rakja le matin…., mais on ne peut pas vraiment refuser). La météo n’est toujours pas de notre côté. Nuageux au début, puis la journée se finit par une bonne pluie continue qui remouille tout mon linge. Cette fois-ci, c’est à la deuxième porte qu’on réussit à trouver de l’hébergement chez Dasho. On recommence à jouer à Cranium et on répète « Gëzuar!! toute la soirée. Notre dictionnaire albanais devient de plus en plus étoffé à force de jouer à Cranium. On est capable de parler de la météo. Ça ressemble à « Sot, shum shi, shum shi, naser shi? » et Dasho de répondre « Naser, pak shi, shum bor ». En français, ça ressemble à « Aujourd’hui, beaucoup de pluie, beaucoup de pluie, demain pluie? » et sa réponse serait « Demain, peu de pluie, beaucoup de neige ». QUOI?????????? La boue, la pluie et maintenant la neige? La vague de froid européenne nous a finalement rejoints. Dasho prend un bout de papier et écrit 30 centimètres dessus. On verra demain…

Le lendemain, nous quittons notre famille si accueillante après un bon café accompagné d’un rakjia… Nous commençons la journée avec une petite montée de plus de 1200 mètres. La météo n’est toujours pas de notre bord. Il fait nuageux, mais pas de pluie. Après 1h30 à pédaler, on commence à voir de la neige. On arrive au sommet après 3 heures de montée. On s’arrête pour manger un petit quelque chose. Lorsqu’on sort, c’est la tempête de neige. Il faut redescendre tout ce qu’on a monté. Je ne porte pas de lunette et il est impossible de regarder droit devant. Je dois fermer un œil au complet et à moitié l’autre. Il fait -2 degrés Celsius. La neige se change en pluie. Mes vêtements qui ont séché redeviennent mouillés. La pluie se change en grêle. On réussit à se réfugier dans un petit café/bar. Autour d’un petit poêle au gaz, je fais sécher le plus possible mes bas et mes chaussures. On repart lorsque la pluie semble s’être arrêtée. Une fois sur les vélos, la pluie recommence, un peu comme si elle attendait qu’on fasse du vélo. On décide d’arrêter notre journée et de se prendre un hôtel. On n’a aucun doute avec l’hospitalité albanaise, mais c’est épuisant de jouer à Cranium et on a besoin de repos… et de moral.

Un énorme merci à ses trois familles pour leur accueil! Cela nous a permis de vivre et manger comme les albanais (olives, fromages, yogourt, lait, patates, pain, poulet et bœuf pour les chanceux). Nous avons également vu un changement sur l’égalité des sexes. La femme fait tout dans la cuisine. L’homme ne fait rien. La femme ne mange même pas en même temps que nous. Elle ne s’assoit pas avec nous, elle ne boit pas de rakjia. Tout ça me rend énormément mal à l’aise. Ils sont clairement en retard de plusieurs dizaines d’années. Et avec le blocage de langue, c’est assez difficile d’avoir une discussion sur ce sujet. Et je ne sais pas trop quel est mon rôle dans cette situation-là. Malheureusement, ce genre de situation sera de plus en plus courant dans les prochains pays.

Le lendemain, nos vœux sont exaucés. Il y a du soleil. Enfin! Je l’ai déjà dit et je le redis. C’est fou la différence entre une journée pluvieuse et une journée ensoleillée sur le moral. Je dis ensoleillée, mais nuageuse nous convient également. C’est juste que la pluie est assez difficile à gérer en vélo. Après une belle journée à pédaler au soleil, nous cognons à une porte d’un village à la frontière avec la Grèce. Une famille nous accueille au complet. Il y a les parents, les trois enfants entre 32 et 37 ans (deux sœurs et un frère) puis une cousine. Les enfants parlent très bien anglais. On leur demande s’ils habitent tous dans la même maison. Ils nous disent que non, qu’ils sont ici pour les funérailles de leur grand-mère qui est décédée récemment. Malgré ce triste événement, ils nous ont quand même accueillis sans hésiter. Ils nous ont fait à manger et nous ont même préparé un petit lunch pour le lendemain. Habituellement, on prend une photo de chaque personne qui nous héberge, mais considérant le contexte qu’ils traversaient, nous n’avons pas pris de photo. Par contre, les deux sœurs et la cousine habitent à Athènes. Il y a de fortes chances qu’on les revoit là-bas!

Je quitte l’Albanie avec un sentiment partagé. Celui d’avoir eu la pire météo depuis le début du voyage. Évidemment, le titre du texte faisant référence à de la « haine » est exagérée. Je n’ai pas de haine envers le pays ou qui que ce soit. J’ai rencontré des gens tellement accueillants et tellement honnête. On a souvent entendu les albanais dire qu’ils sont comme ça, que s’ils peuvent aider quelqu’un de quelconque façon, ils le feront sans hésiter. Et c’est un des pays les plus pauvres d’Europe!! Ce n’est pas nouveau, c’est souvent ceux qui ont le moins qui donne le plus. En ce qui concerne l’accueil, l’Albanie se classe facilement au premier rang des pays visités pour l’instant. Maintenant, la prochaine grande étape est Athènes, dernière capitale européenne que nous allons visiter.

Cet article comporte 4 commentaires
  1. Salut Alexandre Heureux d’avoir des nouvelles et fier de ton courage .
    Le solel de la Grèce vous sera douce par contraste avec les vilains nuages Albanais ..Mais ce peuple est si accueillant que tout vous semblera au final bon, beau et enrichissant .
    Bonne route sur le chemin de la vie !

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