La fameuse Pamir

Toute personne allant en Asie centrale entendra parler un jour ou l’autre de la fameuse M41, la « Pamir highway ». D’après Wikipedia, ce serait la 2e plus haute route au monde. J’ai certains doutes sur ce point parce que le point culminant est à 4655 mètres ce qui est bien plus bas que certaines routes en Inde dépassant les 5000 mètres.
Ceci étant dit, il y a plusieurs itinéraires possibles: des plus longs, des plus difficiles, des plus courts, etc. Dans notre cas, nous étions légèrement serrés dans le temps pour plusieurs raisons. La raison principale est qu’il y a les jeux nomades au Kirghizistan au début septembre et que nous ne voulions en aucun cas les manquer. De plus, le Kirghizistan est mon dernier pays et je veux le visiter un peu plus qu’à vélo. Nous décidons donc d’emprunter la route ayant la meilleure asphalte sachant très bien que peu importe le chemin, nous n’aurons pas une asphalte de piste d’avion. Nous séparons la Pamir en 4 parties.
1ere partie : la mise en jambe

De Dushanbe à Qalai Khumb en 3 jours. Je dis mise en jambe parce qu’une de ces journées comporte une montée de 1500 mètres ce qui n’est pas négligeable du tout. À la fin de la 3e journée, la route se détériore et j’ai une crevaison. Il se fait tard. Nous nous faisons inviter dans une famille. Le lendemain, je répare ma crevaison et le fils mécanicien analyse mon pneu en détail. Il y trouve une mini broche de métal ce qui faisait des crevaisons lorsque la route n’était pas trop belle (problème que j’avais depuis l’Ouzbékistan). Jamais je n’aurais trouvé cette broche. On l’a sentait à peine. Cette découverte aura une conséquence majeure sur la suite de la Pamir… Celle de ne plus avoir de crevaison! Nous terminons cette étape en relativement bonne forme! Like a walk in a park.

2e partie : la plus technique
De Qalai Khumb à Khorog en 3 jours. Un faux plat montant de 240 km en mauvais état. Quand je dis mauvais état, c’est des roches un peu partout avec des trous et très peu d’asphalte. Ajouter à cette route le passage assez fréquent de taxi et autobus qui font lever la poussière. Souvent, ces voitures sont pilotées par des Michael Schumacher qui doivent être en retard à un rendez-vous puisqu’ils roulent à des vitesses folles. La route est difficile sur la mécanique des vélos. À la fin des journées, j’ai mal aux paumes des mains tellement il y a de vibrations. Je suis épuisé mentalement puisque ça prend une bonne concentration sur la route pour éviter les plus gros trous.

3e partie : la plus physique
De Khorog à Murghab en 3 jours. Une seule montée, mais pas pour les enfants, 2200 mètres de dénivelés avec un col à la fin à 4200 mètres. La première étape avait une bonne côte aussi, mais c’était à une altitude de 2000 mètres environ. Il y a une différence entre pédaler à 2000 mètres et à 4200 mètres. Ceci étant dit, le matin du départ je ne me sens pas très bien. J’ai mal au ventre. Quelle est la cause? Je réfléchis et elle peut être multiple… Est-ce que c’est l’altitude? Est-ce que c’est l’eau que je bois sans la traiter depuis le début du voyage? Est-ce que c’est le manque d’hygiène général du pays? Non! Je pense plutôt que c’est le poulet massala que l’Indien de notre hostel nous a cuisinés.
Après 40 km, je suis brûlé. Je n’ai pas d’énergie. On s’arrête devant une maison. Il y a des enfants qui viennent nous voir, mais je ne suis pas trop d’humeur à faire la discussion, surtout dans une langue que je ne connais pas. Je m’étends dans l’herbe pour me reposer. Puis, j’entends « Hey! Hey! ». Je me dis que c’est sûrement un enfant qui veut discuter avec moi… Je n’ai pas du tout le goût… Je suis un peu impatient, mais je reste zen. J’ouvre les yeux et je vois le fils qui tient un matelas et un oreiller. Oooohhhhh, désolé de t’avoir jugé. Rémi et moi discutons et prenons la décision de rester ici pour la nuit. Ça ne sert a rien de continuer dans mon état. Nous demandons à la famille si on peut rester ici. Évidemment, ils disent oui. C’est assez spécial. C’est comme si des étrangers venaient cogner à votre porte pour vous demander, dans une langue que vous ne connaissez pas (l’anglais n’est pas très populaire), s’ils peuvent dormir chez vous. Je ne sais pas quel serait la réaction ici.

Je me repose toute la journée et je suis malade le soir. La grand-mère me fait une concoction d’herbes qui seraient apparemment bon pour l’estomac. Pas assez bon puisque j’aurai des problèmes d’estomac tout le reste de mon séjour sur la Pamir. Ça fait partie du voyage qu’ils disent!

4e partie : le col. De Murghab à Osh en 5 jours. Nous avions prévu le faire en 3 jours, mais nous avions sous-estimé deux éléments assez importants… L’état de la route et le vent de face. Une mauvaise route nous ralentit de façons assez désagréables. Avec un vent de face, nous allons très lentement. Avec le passage d’un col à 4655 mètres, la plus haute altitude de tout le voyage, l’effort est grand.

D’autant plus que depuis quelque jour notre alimentation est clairement déficitaire. On mange quoi sur la Pamir? Hélala! Il y a deux options. On peut acheter pleins de fruits, légumes et viandes avant de partir et transporter tout ça sur 1250 kilomètres. L’autre option est de dormir dans des « homestay » et manger ce que les locaux cuisinent. Nous étions un peu malades. Nous avons opté pour la deuxième option. Ce qu’on ne savait pas, c’est que les locaux sont clairement carencés!! Le matin, c’était du pain et de la confiture. Pas si mal. Par contre, il n’y a pas de pain frais du jour sur la Pamir, j’ai l’impression que le pain date toujours d’il y a 3 jours. Ils font quoi avec le pain cuit le jour même?!? Aucune idée!! Le midi, on mange… du pain et du thé. Le même bon pain sec qu’on trempe dans le thé pour le ramollir. Des fois, on ne trouve rien et on mange des abricots secs et des cacahuètes que nous avons achetés avant d’embarquer sur la Pamir. Le soir, c’est souvent de la soupe avec du bon pain sec et du thé. Une fois, c’était un bouillon de mouton avec 2 patates. Le bouillon valait le déplacement. À mon avis, ils ont fait bouillir une carcasse de mouton dans de l’eau et nous ont servi le bouillon. On s’est informé sur la provenance des patates et elles sont importées!! Moi qui pensais qu’une patate poussait n’importe où!! Eh bien non, ils importent les patates du Kirghizistan. Certaines journées, nous avons fait du camping et nous avons mangé des « Instant noodle » ce qui n’est pas plus équilibrée comme repas. Imaginez la dépense énergétique nécessaire pour pédaler 80 kilomètres à 4000 mètres. Ajoutez à cela mon petit problème d’estomac qui persiste, nous sommes clairement déficitaire en calorie.

Est-ce que la Pamir est difficile? Je dirais que non et il y a deux aspects qui influencent cette réponse : les expériences antérieures et les anticipations. En ce qui concerne les expériences antérieures, plus on vit de moments difficiles en vélo, plus on s’habitue a ce genre de situation. C’est la même chose dans la vie en général. Pour trouver quelque chose facile, il faut faire quelque chose de plus difficile. Dans mon cas, je me remémore notre passage en Albanie où nous avons poussé nos vélos sur 18 km dans la boue. La route de la Pamir devient soudainement belle. Pour ce qui est de la difficulté physique, je me remémore la première fois où je suis allé au Népal où j’ai été malade 12 jours sur 18. Probablement la chose la plus difficile physiquement et mentalement que j’ai fait. Sur la Pamir, je n’ai pas eu de maux de tête, pas tousser, pas de perte d’appétit intense. J’ai seulement vomi deux fois.
Concernant les anticipations, si on s’attendait à pédaler sur un bel asphalte, le choc aurait été brutal. La Pamir est très bien détaillée sur internet et chaque étape est bien décrite de sorte que nous n’avons pas eu de mauvaises surprises. Même que je m’attendais à pire. C’est donc sur une note assez positive que nous commençons notre descente vers le Kirghizistan, dernier pays de mon voyage à vélo!
Alex, je capote sur tes photos!
Je sais qu’il y a un délai entre les événements et les publications. Tu pourrais ajouter au début des articles les dates où c’est arrivé.